CONVENTION DES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE

POUR L’OBSERVATION DES ELECTIONS (CODEL) 

Quartier Général de la CODEL pour la veille électorale

Ouagadougou, Hôtel Splendid, mardi 24 novembre 2020

DECLARATION FINALE

Dans le cadre de son programme de monitoring des élections, la Convention des organisations de la société civile pour l’observation des élections (CODEL) a réalisé plusieurs activités de veille et de plaidoyer en vue de contribuer à des élections transparentes et apaisées en 2020 et 2021. Cette stratégie de monitoring capitalise son expérience réussie de 2015 et s’articule autour du suivi de toutes les séquences du cycle électoral. C’est ainsi que la CODEL a organisé un suivi des opérations d’enrôlement des électeurs et de la campagne électorale sanctionné par des déclarations assorties de recommandations.

La CODEL a bénéficié dans ce travail de veille citoyenne de l’appui technique et financier de l’ONG Diakonia à travers un financement des ambassades du Danemark, de la Suisse, de la France et de l’Union européenne. Ce partenariat fécond a permis de mettre à la disposition de la CODEL une équipe technique à travers le consortium One World/Ingénia consulting Inc. constitué d’experts électoraux burkinabè et internationaux. C’est le lieu pour nous de leur réitérer nos sincères remerciements pour leurs appuis multiformes.

Pour les élections couplées du 22 novembre 2020, la CODEL a élaboré une stratégie qui lui a permis de se prononcer sur la régularité des opérations de vote. La méthodologie adoptée, basée sur le déploiement proportionnel des observateurs, est éprouvée dans plusieurs pays.

Le dispositif adopté a permi de suivre activement le déroulement du scrutin et d’interpeller directement les organes de gestion des élections en vue de la correction des incidents et manquements qui nous ont été remontés tout au long de la journée.

De manière spécifique, le monitoring a permis :

       de collecter, d’analyser et de diffuser des informations sur le déroulement du scrutin en temps réel afin de garantir la crédibilité, la fiabilité et la transparence du scrutin.

       d’optimiser un système d’alerte précoce le jour du scrutin; 

       de dissuader toutes velléité de fraudes par la présence massive des observateurs dans les bureaux de vote ;

       de contribuer à corriger tout dysfonctionnement constaté le jour du scrutin en saisissant les autorités et institutions chargées de l’organisation, de la supervision et de la gestion du processus électoral.

La CODEL a ainsi déployé :

       121 observateurs du processus d’enrôlement des électeurs

       200 moniteurs de la violence électorale sur l’ensemble du territoire pour suivre et remonter tous les incidents de violence liés à la mise en œuvre du processus électoral, mais également pour apprécier le niveau de tension électorale

       10 journalistes et acteurs de la société civile pour la sensibilisation sur les fake news et la promotion du fact checking

Pour rappel, la CODEL a installé son Quartier Général à l’hôtel Spendid, sous la direction de Me Halidou Ouédraogo président de la CODEL. Le Quartier Général a eu pour mission d’assurer le monitoring des opérations électorales le 22 novembre. Dans cette optique, un dispositif technique a été installé.

La CODEL demeure la plus grande mission d’observation des élections du 22 Novembre 2020. Ce sont au total 3800 citoyens mobilisés sur toute l’étendue du territoire qui ont rendu compte de ces élections aux différentes parties prenantes par le truchement de la CODEL, sur le site  www.burkinavote.org et sur les réseaux sociaux à travers le hashtag burkinavote2020.  Sur ces espaces, et en temps réel, la société civile a été informée du déroulement du scrutin. Les informations sur l’ouverture du bureau de vote, le déroulement du vote, les procédures de dépouillement et les résultats sont disponibles pour les bureaux de vote sélectionnés par la CODEL.

Ces observateurs sont de deux catégories. La première catégorie, forte de 3300 observateurs, a eu pour mission de collecter les données sur les scrutins en renseignant des fiches sur le déroulement des opérations électorales.

La seconde catégorie d’observateurs, est composée de 500 personnes dénommé M-observateurs, qui a eu pour mission de faire remonter instantanément les données au Quartier général de la CODEL. Ces M-observateurs ont été dotés de smartphones et ont été suivis par une équipe de veille d’une vingtaine de personnes logée au Quartier Général de la CODEL.

Le Quartier général est principalement composé de deux chambres, la chambre technique et la chambre de décision.

Ainsi, les procédures d’ouverture, la présence des membres des bureaux de vote, l’heure de démarrage du vote, la sécurité des centres de vote, le secret du vote, le matériel électoral, l’affluence des électeurs, la présence des femmes membres de bureaux de vote, l’assistance des personnes à mobilité réduite, le taux de participation, les procédures de clôture sont autant d’informations qui ont été produites et partagées en temps réel.

A la suite des observations faites sur le scrutin, la CODEL présente les constatations suivantes comme premières données.

De l’observation classique

Plusieurs dysfonctionnements nous ont été remontés dès l’ouverture des bureaux de vote :

      La non disponibilité du matériel électoral dans certains bureaux de vote. C’est par exemple l’absence de listes d'électeurs, d’isoloirs, des procès-verbaux (bureau de vote n°2 Koundouba ; bureau de vote n°1 Zomwefo ; Bureau de vote n° 2 Titao), de bulletins pour les législatives, etc.

      La distribution erronée des bulletins de vote pour les législatives. Par exemple à Pama (région de l’Est, province de la Kompienga), plus de 35 électeurs ont voté avec des bulletins de vote destinés à une autre province. Le même problème a été signalé à Houndé, à Bobo Dioulasso et à Kombissiri.

      L’absence ou l’arrivée tardive de forces de sécurité dans certains bureaux de vote dans la région du Nord (cas de Mako, Kasseba samo, Zoongo, Zondoma/Gourcy, Tangaye)

      Un cas de tentative d’intimidation des électeurs dans un bureau de vote, en l’occurrence à Relwende-centre/bureau de vote 2 de Ouahigouya. L’auteur a été expulsé du centre de vote par les forces de l’ordre.

      L’absence des noms de certains électeurs sur la liste électorale.

      Les changements opérés dans les bureaux de vote ont désorienté certains électeurs. Par exemple, certains bureaux ont été fusionnés sans que les électeurs n’aient été au préalable informés.

Au total, sur plus d’une quarantaine d’alertes, 90% ont été résolues par la CENI.

De la violence électorale

De la date du 10 au 22 novembre, le groupe d’analystes a reçu 165 alertes de violence. La majorité des alertes a porté sur les violences verbales, saccage d’affiches, intimidations et achat de conscience, nuisances sonores, affrontements entre militants de partis politiques, etc. Aucun acte de violence basé sur le genre n’a été notifié.

Les auteurs de ces violences sont principalement les militants des partis politiques.  Et les victimes provenait du même groupe.

Des fake news sur les médias et réseaux sociaux

Plus de 200 sites web, réseaux sociaux (Facebook, WhatsApp, Twitter) stations radio, et de partis et leaders politiques ont été recensés et suivis. Une cinquantaine de publications partagées par diverses sources a fait l’objet d’analyse et de vérification des faits. Plusieurs tentatives de désinformation liées aux dysfonctionnements de certains bureaux de vote, à l’achat de conscience, à la fraude et à la violence électorale ont été identifiées.

 Des cas de fausses informations (fake news) ayant un degré de gravité élevée ont été traitées de manière à restituer la bonne information au public. A titre d’illustration l'équipe de la CODEL a pu vérifier que le ministre de la Défense n'a ordonné aucune fermeture de bureau de vote dans la province de l'Oudalan contrairement à l'information partagée sur les réseaux sociaux. Elle a également pu vérifier que le correspondant UPC de Lapara dans la province des Balé a été effectivement agressé par des jeunes mais ses blessures ne sont pas consécutives à l'utilisation des machettes.

De la M-Observation

·         A l’ouverture

Des zones sécurisées

-          90% des bureaux de vote ont ouvert avant 6 heures 15 mn.

-          Dans 98,20% des bureaux de vote observés, les présidents étaient présents.

-          18 % des présidents des bureaux de vote étaient des femmes.

-          Les forces de l’ordre étaient présentes dans 94,40% des bureaux de vote observés.

 

Des zones rouges

-          77% des bureaux ouverts à l’heure avant 6h15mn

-          Dans 94% de bureaux le président était présent à l’ouverture

-          12% de bureaux de vote étaient présidés par les femmes

-          70% de bureaux de vote étaient sécurisés

 

·  Du matériel électoral et procédures d’ouverture

Des zones sécurisées

-          Dans 70% des bureaux de vote, le matériel était complet

-          94% des bureaux de vote ont respecté les procédures d’ouverture

Des zones rouges

-          Dans 71% des bureaux de vote, le matériel était complet

-          96% des bureaux de vote ont respecté les procédures d’ouverture

De manière spécifique, le problème de matériel a concerné les Procès-verbaux de dépouillement dans 22% de bureaux de vote, suivront ensuite les enveloppes sécurisées (4%), la liste des électeurs (3%), la liste d’émargement (2%), etc.

 

Du déroulement du processus électoral

 Des zones sécurisées

-          Dans 98% des bureaux, les électeurs ont émargé sur les listes

-          100% des électeurs ont reçu un seul bulletin par scrutin

-          82 % des électeurs n’ont pas eu de difficultés à voter

-          91% des électeurs ont prouvé qu’ils n’avaient pas déjà voté

Des zones rouges

-          Dans 100% des bureaux, les électeurs ont émargé sur les listes

-          100% des électeurs ont reçu un seul bulletin par scrutin

-          94 % des électeurs n’ont pas eu de difficultés à voter

-          87% des électeurs ont prouvé qu’ils n’avaient pas déjà voté

De la clôture

Des zones sécurisées

-          98% des bureaux de vote ont fermé à l’heure,

-          85 % des bureaux de vote ne présentaient pas de file d’attente à la clôture

Des zones rouges

-          97% des bureaux de vote ont fermé à l’heure

-          87% des bureaux de vote ne présentaient pas de file d’attente à la clôture

Du dépouillement

Des zones sécurisées

-          Dans 59 % des bureaux de vote le dépouillement s’est déroulé sans incidents

-          Dans 11 % des bureaux de vote des réclamations ont été consignées sur les procès-verbaux

Des zones rouges

-          Dans 66 % des bureaux de vote le dépouillement s’est déroulé sans incidents

-          Dans 20% des bureaux de vote des réclamations ont été consignées sur les procès-verbaux

La plupart des réclamations et des désaccords concernaient :

-          Non réception des copies des résultats par les représentants des candidats

-          Absence de consensus sur l’appréciation de la qualité des bulletins nuls

-          Non affichage des résultats du dépouillement à l’entrée du bureau de vote (entre 20 à 23 %)

Appréciation globale du processus

La CODEL se félicite de la tenue effective de ce double scrutin dans un contexte de crise sécuritaire, humanitaire et sanitaire. C’est l’occasion de féliciter l’ensemble des acteurs du processus électoral pour leur sens de responsabilité. La CODEL félicite plus particulièrement les forces de défense et de sécurité pour la sécurisation de l’ensemble du processus électoral.

La CODEL se félicite, pour une première, d’avoir déployé 12 observateurs pour le vote des burkinabè de l’étranger, plus spécifiquement en République de Côte d’Ivoire. Selon nos observateurs, le vote s’est déroulé sans incidents avec un taux de participation appréciable, même s’il faut regretter le faible taux d’enrôlement.

La CODEL a malheureusement observé la persistance de plusieurs dysfonctionnements dans l’organisation matérielle des élections. Ce qui illustre un déficit de capitalisations des expériences et leçons antérieures en matière électorale. Elle déplore également les violations de la loi électorale notamment sur la corruption électorale, les violences verbales, les affichages anarchiques, etc. 

La CODEL appelle l’ensemble des acteurs en compétition à suivre les voies de recours légales en cas de contestation des résultats.

L’ensemble des rapports et communiqués produits sont disponibles sur la plateforme www.burkinavote.org

 

Recommandations

A LA CENI

Dans le court terme

-          Poursuivre son travail de compilation dans la sérénité et dans le respect des délais fixés dans le code électoral

-          Poursuivre les efforts de communication avec tous les acteurs dans le souci d’instaurer un climat de confiance

Dans le moyen/long terme

-          Améliorer le système de déploiement du matériel électoral à temps

-          Améliorer la formation des membres des bureaux de vote

-          Systématiser l’affichage des listes à l’entrée des bureaux

-          Améliorer la qualité de l’encre indélébile

-          Améliorer la communication concernant la carte et l’identification du bureau de vote pour mieux orienter l’électeur.

-          Respecter le caractère public du dépouillement

AUX PARTIS POLITIQUES/CANDIDATS

Dans le court terme

-          Respecter les engagements pris dans le pacte de bonne conduite

-          User des voies légales de recours en cas de contestations et respecter les délais impartis à cet effet

Dans le moyen/long terme         

-          Renforcer l’éducation au vote

-          Assurer la présence de leurs représentants dans tous les bureaux de vote

-          Appeler leurs militants au calme et à la sérénité

-          Axer leur stratégie de campagne sur le contenu de leur programme politique

-          Respecter les dispositions du code électoral relatives à la corruption électorale

-          Dynamiser leurs sections à l’étranger pour une présence effective dans les bureaux de vote

AUX MEDIAS

-          Continuer à informer vrai et juste dans le respect de l’éthique et de la déontologie

-          Renforcer l’éducation au vote

AUX ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE

-          Poursuivre le travail de veille citoyenne et de monitoring de façon générale

-          Travailler à une mise en synergie de toutes les initiatives de veille et de monitoring en vue d’une capitalisation sur les initiatives développées

A LA DIASPORA

-          De se mobiliser massivement pour les prochaines phases de révision des listes électorales

-          Renforcer sa participation à la vie politique

AUX LEADERS D’OPINION

-          Poursuivre le travail de sensibilisation pour des élections apaisées et pour la cohésion sociale

-          Continuer à soutenir les efforts dans la prévention et la gestion des conflits liés aux élections

Enfin dans le cadre des réformes électorales, quelques points d’attention méritent d’être pris en compte :

-          Inscription dans le code électoral de l’interdiction de matériel servant à prendre des photos ou à filmer dans l’isoloir

-          mise en place d’une police des élections chargée de lutter contre la fraude électorale

-          Encadrement plus rigoureux de la délivrance des dérogations pour le vote

 



Fait à Ouagadougou, le 24/11/2020

Le Président de la CODEL

 

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